Comment M. de Sereys de Saint Genès la Tourette n’eut ni grain, ni vin !

Rappelons-nous[1] que la période révolutionnaire était une époque de mauvaises récoltes et de flambée des prix dans notre région. Un décret du 8 décembre 1792 prononçait la peine de mort contre toute personne exportant du blé hors du territoire de la république et des sanctions sévères contre les accapareurs de blé ; mais la sévérité même de ces sanctions les rendaient inapplicables et les tribunaux se montraient d’une mansuétude rare à l’égard de tous les fraudeurs. Ainsi nous trouvons dans le registre des audiences du tribunal criminel de Riom un cas concernant notre commune. Pour parer à la famine, un décret du 9 août 1794 avait prescrit la création dans chaque commune d’un grenier à blé alimenté par des achats ou les versements en nature des habitants en acquit de leurs contributions. Mais les métayers cachaient leur grain et les greniers municipaux restaient la plupart du temps vides.

Le 18 novembre 1794, le « citoyen Sereix-la-Chassagne » ci-devant la Chassagne de Sereys faisait mesurer du grain dans sa grange du Réal, qu’il avait échangé au Chauffour (commune d’Orbeil) contre du vin, après y avoir été autorisé par les administrateurs du district d’Issoire.

Des habitants de St Geneys prévinrent les deux fils de Sereys que la population s’opposerait à l’enlèvement du grain. En effet, le lendemain matin, comme les quatre chars chargés de 28 setiers se disposaient à partir, un attroupement les arrêta. L’agent municipal prévenu, donna lecture à la foule de l’arrêté du district autorisant l’enlèvement. Des cris s’élevèrent « on se moquait de cet arrêté ; le blé leur était utile et ils le prendraient de force si on ne leur donnait pas de gré ».

L’agent se réfugia dans la cour dont on referma le portail mais devant les menaces on le rouvrit et 60 personnes pénétrèrent dans la cour, obligeant M. de Sereys, en dépit de sa promesse de réserver aux habitants le blé qui lui restait, au fur et à mesure du battage, à distribuer celui chargé sur trois des chars. Le lendemain, une trentaine d’autres personnes, qui n’avaient pas participé au partage, vinrent exiger qu’on leur livrât le contenu du quatrième char. A l’audience du 6 mars 1795 (16 ventôse an 3) le jury tout en reconnaissant la matérialité des faits qui lui sont soumis, dit que « les 18 accusés présents ne se sont pas opposés directement à la circulation des subsistances et qu’ils n’ont pas commis le délit méchamment et avec intention de nuire ».

Le jury les acquitta purement et simplement et M. de Sereys fut invité à se pourvoir devant la juridiction civile pour avoir paiement de son grain. Par contre, huit accusés défaillants ont été condamnés par contumace à la peine de mort. Jugés à nouveau le 31 mars 1795, ils seront acquittés comme les autres !

[1] Extrait de « Sauxillanges, la Révolution » par A. ACHARD