Portrait de poilu : René Bory (1886-1962)

Nous remercions vivement Jean-Yves Manlhiot de nous autoriser à publier le texte ci-dessous par lequel il rend hommage à son arrière-grand-père René Bory, soldat de la 1re Guerre Mondiale.

René BORY est né le 6 janvier 1886 à St Rémy de Chargnat, décédé le 16 avril 1962 à Varennes sur Usson, marié le 21 juillet 1914 à St Jean en Val avec FAUCHER Francine (1889-1966).
Il passe son enfance à Saint-Rémy de Chargnat, où son père est adjoint au maire.

René effectue son service militaire au 105e Régiment d’Infanterie de Riom, de 1907 à 1909. Il est promu caporal et en juin 1909, il encadre son escouade au camp de Bourg-Lastic, où le 105e RI est en manœuvre (photo ci-contre).

A la mobilisation, René Bory, est incorporé au 305e RI, de Riom, le 4 août 1914. Âgé de 28 ans, il laisse Francine Faucher, qu’il a épousée deux semaines auparavant.

La bataille de la Marne et une première blessure en décembre 1914

René Bory et tous ceux du 305e RI, embarquent dans les trains et quittent Riom, le 13 août, pour se diriger dans la région de Vesoul, d’où ils vont prendre part à la bataille des frontières. Le 305e RI, marche sans rencontrer de résistance, vers l’est, en Alsace, annexée à l’empire allemand, depuis 1870. Mais les Allemands, qui ont contourné le dispositif défensif français par la Belgique, se dirigent sur Paris. Le 305e RI de René Bory fait partie des unités rappelées pour stopper l’avancée allemande sur la Marne, en septembre 1914. René participe à la bataille de Marne, puis aux sanglants combats de Fontenoy et du plateau de Nouvron (02), jusqu’à la fixation du front sur l’Aisne, à la mi-septembre 1914. La guerre des tranchés commence, avec ses assauts aussi meurtriers qu’inefficaces. Pour tenter de modifier ce tracé le Génie sape à la lanterne, pour détruire la position adverse, grâce aux mines. Le 6 décembre 1914, les Allemands en font exploser deux dans le secteur du 305. La première n’occasionne que des dégâts insignifiants, mais la seconde est bien plus puissante. Elle reverse le parapet de la tranchée, sur une longueur de 15 mètres, la terre ensevelit une douzaine d’hommes. René Bory est entièrement recouvert de terre et de gravats. Après avoir passé plusieurs minutes à suffoquer, proche de l’évanouissement, ses camarades réussissent à le dégager de l’éboulis. L’explosion a fait 8 morts et 14 blessés. René Bory, est blessé au cou par un éclat et à l’épaule droite. Il est évacué à l’arrière du front.

En janvier 1915, il rejoint le 305e RI qui s’installe à Soissons pour compléter l’organisation défensive du secteur. En 1915, on retire enfin les képis et les pantalons rouges et on fournit des casques aux soldats.
En décembre 1915, les intempéries dans la région de Soissons font monter le niveau de la rivière et contraignent les hommes du 305 à évacuer les postes avancés, situés au plus près de la berge de l’Aisne. Les hommes pataugent dans la vase de Soissons.
Début février 1916, le 305e RI de René Bory s’installe sur les bords du canal de l’Aisne, au sud-ouest de Berry-au-Bac. A peine installé, le régiment subit un bombardement avec des obus de gros calibre, qui détruit l’écluse. Ils y resteront jusqu’en mai 1916.

Verdun, le fort de Vaux

Le 4 juin, le 305e RI est engagé dans la bataille de Verdun, près du fort de Vaux. Le sol est criblé de trous d’obus Les anciennes forêts de l’Argonne ont été remplacées par un paysage lunaire, qui est sans cesse modifié par le déluge de pluie et d’obus. Le 305e vit dans ce chaos, repoussant toutes les tentatives adverses et soumis à un bombardement quotidien qui, en moins de 15 jours, lui met 300 hommes hors de combat, et parmi eux, il y a à nouveau René Bory, une deuxième fois blessé, puis évacué, le 14 juin 1916. Après avoir été soigné de ses blessures, René Bory, rejoint son unité stationnée dans les Vosges.

Fin de septembre 1916, transporté de nouveau à Verdun, le 305 de René Bory reçoit l’ordre d’attaquer sur le Fort de Vaux. Malgré la fatigue, les unités d’assaut s’élancent et le 305 atteint les objectifs fixés, faisant de nombreux prisonniers et enlevant plusieurs mitrailleuses. Le fort de Vaux est assiégé. Du 27 au 31 octobre, la lutte se poursuit et chaque jour quelques éléments de tranchées ennemies sont repris par grignotage successif. Les pertes sont sévères et les hommes tapis dans les trous inondés souffrent du froid, dans un secteur violemment bombardé. On ne dort plus, on ne mange plus, on range les morts sur le parapet, on ne ramasse plus les blessés. Le 1er novembre, les Allemands ordonnent l’évacuation du fort de Vaux. Le lendemain, les Français s’en emparent.

René Bory passe l’hiver 1917, dans le secteur des Vosges. Le 305 est chargé de s’emparer de la tête de pont de Romainville. Le 13 mars, après une intense préparation d’artillerie, les vagues d’assaut du 305, s’élancent, occupent les objectifs fixés, capturent de nombreux prisonniers et un abondant matériel.

Le 1er mai, René Bory et le 305e RI sont affectés près de Saint Dié des Vosges, jusqu’au 20 juin 1917, avant de reprendre encore une fois le chemin de Verdun.

Verdun, rive gauche

En juillet 1917, René Bory repart pour l’enfer de Verdun, mais cette fois sur la rive gauche de la Meuse, en vue de la reprise de la cote 304, du site de Mort-Homme et de la cote de l’Oie. Le 305e RI n’y fait que les travaux préparatoires sous les bombardements qui s’intensifient, au fil des jours. Le Régiment quitte la région de Verdun à la fin d’août. Après avoir gardé le secteur des Eparges, en Argonne, René Bory et le 305e RI reviennent pour la quatrième fois à Verdun. Le régiment de René Bory s’illustre pour la reprise de la cote 344, les 4 et 5 décembre. Fin décembre 1917, les trois bataillons du 305e RI sont relevés. En revenant de ce succès, malgré l’enthousiasme général, l’objectif individuel reste toujours le même : survivre jusqu’à la fin de la guerre et rentrer chez soi pour y retrouver sa famille. Ils passent le mois de janvier 1918, en Argonne, dans les environs de Verdun. Le sol gelé résiste à la pioche et les soldats n’ont que peu d’abris sur ce terrain largement contre-battu, parsemé de cratères, où plus rien de végétal n’a résisté à la folie humaine. Les coups de main se succèdent mais le froid fait plus de victimes que le feu. Le 7 janvier, un refus collectif d’obéissance se produit au 305e RI, qui va se solder par deux condamnations à mort.

Fin janvier 1918, le régiment, déplacé en seconde ligne, est désormais chargé d’instruire les Américains, qui arrivent en nombre significatif, depuis leur entrée en guerre au côté des alliés.

Le 3 juin 1918, René Bory fait l’objet de la citation n°511, à l’ordre du Régiment : « Très bon gradé au front depuis le début, il a subi trois blessures au combat !»

La Champagne et la 2e bataille de la Marne

Mi-juin, le 305e RI de René Bory repart au front, d’abord dans le sous-secteur de Vauquois, puis en Champagne. Le 15 juillet 1918, après un bombardement d’artillerie, 40 divisions allemandes attaquent à nouveau sur la Marne. Mais la contre-offensive alliée, qui rassemble essentiellement des troupes françaises, dont le régiment de René Bory et américaines, appuyées par des chars de combat, repousse l’offensive ennemie. La deuxième bataille de la Marne est, une nouvelle fois gagnée, par les Français. René Bory a participé à ces deux victoires décisives sur la Marne, qui, par deux fois, ont sauvé Paris de l’invasion. Le Régiment de René Bory, très éprouvé est alors retiré du front Le 305 a perdu près de 700 hommes, tués blessés et disparus, au cours de ces derniers combats. Le 305 est dissous, le 13 août 1918.

René et son épouse Francine vers 1914

Le 104e Régiment d’Infanterie

Mais aucun de ses combattants ne bénéficiera d’un repos amplement mérité, même pour ceux, qui, comme René Bory sont sur le front depuis plus de quatre années. Comme cinq cents fantassins du 305, René Bory est affecté au 104e Régiment d’Infanterie, le 16 août 1918. René Bory rejoint sa nouvelle unité, qui est engagée sur le front, au sud de Reims.

En septembre 1918, l’utilisation massive des blindées et de l’aviation, donnent un avantage décisif aux alliés et qui forcent les Allemands à reculer en direction des frontières.

En octobre 1918, le 104e RI de René Bory attaque les Allemands à Mont-Laurent dans les Ardennes. Les Allemands bombardent encore avec des obus à croix jaune, qui dispersent du gaz moutarde. Après le fracas épouvantable, une odeur terrible qui donne envie de vomir. Le gaz moutarde se repend. Plusieurs fois intoxiqué, René Bory est évacué, le 15 octobre 1918. Il sera hospitalisé où, pendant plusieurs semaines, il sera soigné pour de multiples affections, particulièrement pulmonaires et mais aussi pour ses yeux, qui ont été brûlés par les gaz. Il ne retrouvera la vue que plusieurs jours après.

René Bory quitte le front et les combats après plus de 1500 jours de présence ininterrompue. Il bénéficie, le 30 octobre, d’une permission de convalescence. La onzième heure, du onzième jour, du onzième mois de l’année 1918, l’Allemagne capitule sans condition. René Bory, n’ayant pas encore totalement retrouvé la vue, se trouve au bras de son épouse, Francine Faucher, dans les rues de Chargnat, lorsque les cloches de l’église se mettent à sonner, sans interruption, annonçant la fin des hostilités.

Blessé à trois reprises et intoxiqué, René Bory a fait campagne contre l’Allemagne, d’août 1914 à octobre 1918. Il a été cité à l’ordre du régiment et il sera décoré de la croix de guerre, de la croix du combattant et de la prestigieuse Médaille Militaire.