Une médaille d’or pour les vignes du Comte de Matharel

En 1870, le Comte de Matharel se voit gratifié par le ministère de l’agriculture et du commerce d’une médaille d’or « pour la création d’un vignoble, l’introduction de cépages fins et l’application à cette culture d’instruments perfectionnés » sur son domaine du Chéry à Brenat .

Voici le détail des expérimentations viticoles de notre Comte :

M. le comte de Matharel exploite directement la terre de Chéry, commune de Brenat, arrondissement d’Issoire. C’est là qu’il consacre aux améliorations agricoles le temps que lui laisse la haute position qu’il occupe dans l’administration des finances. Cette propriété a été prise, en partage de famille, par M. de Matharel pour une somme de 5o ooo francs. Elle fut longtemps exploitée par métayers, et la part afférente au propriétaire était par lui affermée au prix de 1 800 francs.

La terre de Chéry a une contenance de 85 hectares. La terre arable, généralement peu profonde, n’est presque formée que de micaschistes désagrégés, d’une infécondité désolante. La première opération de M. de Matharel, lorsqu’il devint propriétaire de Chéry, fut de boiser les parties les plus mauvaises et les plus exposées aux ravages des eaux. Cette opération, quoique ayant nécessité des travaux coûteux, a parfaitement réussi, et des bois vigoureux recouvrent aujourd’hui et protègent contre la ravine des coteaux dénudés. Mais l’amélioration agricole proprement dite ne tarda pas à absorber tous ses efforts. Comprenant, l’avenir de la vigne, cette plante si vivace, si peu exigeante et dont les produits, même lorsqu’ils sont d’une qualité très-ordinaire, trouvent aujourd’hui des débouchés si faciles, il commença la création d’un vignoble. Mais les frais de défoncement à la main, qui n’avaient d’abord été que de 600 francs l’hectare, s’élevèrent bientôt à 1000 francs, par suite delà rareté et du renchérissement de la main d’oeuvre. C’est alors qu’il commença à employer une charrue défonceuse ; avec cet instrument, traîné par 6 bœufs, il put non sans peine, mais à moins de frais, attaquer jusqu’à une profondeur de 5o à 60 centimètres les micaschistes qui forment le sous-sol de sa propriété. Dès lors, le problème de la création du vignoble fut résolu, et 87 hectares de vignes ont été successivement, plantés et palissés sur des fils de fer galvanisé. Mais comme le cépage du pays, le gros gamay, donne généralement un vin plat et commun, M. de Matharel n’hésita pas à essayer des cépages étrangers à la localité. Il planta successivement le pineau, le romain, la mondeuse et le petit gamay du Beaujolais. Après expérience, c’est à ce dernier cépage qu’il a résolu de se tenir, car il en obtient un vin bien supérieur à celui que produisent les cépages du pays.

Les bâtiments de Chéry ont été complètement refaits à neuf ; une magnifique cave voûtée reçoit le vin au sortir des cuves.

L’outillage est complet et perfectionné. M. de Matharel n’a pas reculé devant la dépense pour se procurer et essayer les instruments nouveaux qui peuvent simplifier et économiser la main-d’œuvre. Il emploie avec un succès complet la charrue vigneronne et la houe à cheval pour la culture de son vignoble.

Certes, plus que personne, M. de Matharel a résumé des idées et fait des essais agricoles, et à ce titre seul il mériterait des éloges, car c’est là faire un noble usage, de son intelligence et de ses capitaux.

Voulant récompenser dans l’exploitation de Chéry la partie qui présente au plus haut degré un résultat définitivement acquis, le Jury a décerné à M. de Matharel une médaille d’or pour la création d’un vignoble, l’introduction de cépages fins et l’application à cette culture d’instruments perfectionnés. »

Extrait issu de « Les Primes d’honneur, les médailles de spécialités et les prix d’honneur des fermes-écoles décernés dans les concours régionaux en 1870 » publié par le Ministère de l’agriculture et du commerce en 1874.

BNF/Gallica